Il y a maintenant plus d’un mois, j’ai perdu
un être cher. Un être qui était à la fois pour moi, une mère, une grand-mère,
une amie et une inspiration. Que de trésors cette personne a déversé dans ma
vie.
Quand je l’ai vu pour la dernière fois, elle était menue, se faisait
petite, silencieuse, et mangeait peu. D’apparence faible, elle dormait beaucoup. De ses cheveux, presque rien ne restait. Elle ne se déplaçait plus, errant entre sa chambre et sa
table au salon, où trônait son ordinateur – ce vénéré appareil qui l'a reliait à sa famille de toutes parts du monde, ses êtres chers de qui rien qu’un
petit mot, pouvait ensoleiller sa vie.
Je savais bien qu’elle n’avait plus beaucoup de
temps avec nous.
Trois mois plus tard, telle une fragile orchidée, elle est partie. Ses cendres ont rejoint celles de mon grand-père une semaine après.
Les jours qui se sont écoulés depuis ont été étrangement vides.
Trois mois plus tard, telle une fragile orchidée, elle est partie. Ses cendres ont rejoint celles de mon grand-père une semaine après.
Les jours qui se sont écoulés depuis ont été étrangement vides.
Hier, comme par miracle, j’ai rêvé d’elle. Elle semblait plus jeune. Elle
marchait dans une ruelle ombragée, longeant des petites boutiques garnies de souvenirs
et de brillantes pacotilles; elle dégageait le calme, la sérénité, et de son visage rayonnait l’un des plus beaux sourires que j’ai jamais vu.
Je la revoyais telle qu’elle était durant
ma plus tendre jeunesse. Sa chevelure grise prise soigneusement dans une mise-en-plis, vêtue d’un pantalon et d’une large blouse blanche, rehaussée d’un vert océan. Une légère brise fraiche caressait son visage, un visage à la fois ébahi
par ce qu’elle voyait autour d’elle, et lointain - comme si elle n’appartenait
pas à ce monde. Elle me semblait si heureuse. J’étais émerveillée par ce que je lisais sur son visage.
Je me souviens qu’au début du rêve, j’étais moi-même
en tenue de nuit et que je n’avais pas fait ma toilette du matin. C’est là que j’ai
commis une erreur. J’avais d’abord voulu courir vers elle pour la serrer dans mes bras et lui tenir compagnie,
faire avec elle ces magasins pour que nous découvrions de belles choses
ensemble. Mais une honte m'a saisie et j’ai couru dans l’autre sens, persuadée
qu’il fallait d’abord que je m’habille, que je me coiffe et que je me nettoie
avant de la voir. C’est dans ce moment de vanité, née, je crois, d’une adolescence
pendant laquelle je ressentais souvent la honte de moi-même, que j’ai fui sa présence.
Quand je suis rentrée chez moi, mon père m’attendait.
Il m’a montré une boite de biscuits me disant que je trouverai surement quelque
chose que j’aimerai la dedans. J’ai ouvert la boite pour découvrir ces délices
sucrés. C’est alors que du coin de l’œil, j’ai vu venir ma grand-mère vers moi.
C’était comme si elle avait toujours été là. Elle est apparue là ou je ne l’attendais
pas. Elle avançait cette fois en tenue de nuit. Le rêve voulait qu’à présent ce
fussent elle, et non moi, qui venait de se réveiller. Elle me regardait avec un
petit sourire coquin, comme si elle voulait me dire que elle, elle n’avait rien à
cacher, et que ce n’était pas la peine que je me cache ainsi.
Penaude, je lui ai tendu un
biscuit en lui demandant si elle en voulait. Elle n’a rien dit. Elle l’a pris en
souriant.
Elle était si gaie. Je ne pouvais lire aucun soucis dans son visage.
En y repensant maintenant, je crois que c’est bien
cela qu’elle voulait me dire, ou plutôt me faire comprendre, au sujet de la
vie.
Et soudain il a fallu que je me réveille, que
ce rêve prenne fin, qu'elle disparaisse sans qu’elle me parle, sans qu’elle ne m’adresse la parole,
sans que je puisse marcher à ses côtés, sans que je puisse parcourir les
ruelles ombragées avec elle, sans que la brise nous caresse toutes les deux, liées
dans un après-midi complice et magique.
C’était un réveil dur. Trop dur. Dur, d’avoir était
si proche et de l’avoir perdu si soudainement alors que je croyais avoir le temps… Réveil qui m’a meurtri l’âme. Trop dur, la fin de ce rêve, alors que
j’avais de nouveau de l’espoir en la revoyant; c’était comme si on me l’avait volée
une seconde fois.
Ce matin j’ai versé tant de larmes en me
souvenant de ce rêve. Je me suis retrouvée bouleversée, de nouveau enfant -
portant le fardeau d’une immense tristesse. J’ai vécu la fin de mon rêve comme
une injustice accablante. Je sais, je sais bien; c’est un rêve qui présage tant
de bonnes choses. Mais sa perte me coute.
Elle me coute tant.
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